face à la violence d’État et à l’instrumentalisation des agressions sexuelles contre les manifestant·es
Il y a un an, le 25 juin 2024, des milliers de Kényan·es ont déferlé dans les rues de Nairobi lors d’un soulèvement historique contre le coût de la vie devenu insupportable et contre l’échec d’un système politique et économique qui a depuis longtemps abandonné son peuple. Déclenchées par une profonde colère face à un projet de loi de finances, les manifestations ne portaient pas uniquement sur ce texte – il n’en était que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce qui s’est déroulé ensuite, c’est une immense mobilisation contre des décennies d’inégalités, de corruption, de dette publique et d’une politique de développement néolibérale qui privilégie le profit au détriment des populations, et les marchés au détriment de la vie.
Bien que le mouvement ait été visiblement mené par une génération Z audacieuse et politiquement consciente, celles et ceux qui ont répondu à l’appel venaient de tous les horizons: différents groupes d’âge, classes sociales, professions et régions. Ce jour-là, les Kényan·es se sont uni·es pour défier un système qui continue d’exploiter, de réprimer et d’appauvrir. Et l’État a répondu par une violence meurtrière. Au moins 39 personnes ont été tuées par les forces de sécurité, de nombreuses autres ont été blessées, et des centaines arrêtées.
Le mardi 25 juin 2025, les Kényan·es sont de nouveau descendus dans la rue ; non seulement pour se souvenir de celles et ceux qui ont été tué·es, mais aussi pour poursuivre la lutte pour la justice, la dignité et la transformation. Une fois encore, l’État a répondu à des manifestations pacifiques par la violence : tirs à balles réelles, passages à tabac, arrestations et répression des rassemblements publics. Au moins 16 personnes ont été confirmées mortes à ce jour.
Plus inquiétant encore, plusieurs rapports indiquent que les manifestations de cette année ont été confrontées à une violence préméditée et approuvée par l’État. Des échanges WhatsApp divulgués, largement relayés dans les médias kényans, révèlent une coordination présumée entre des acteurs liés au gouvernement pour perturber volontairement les mobilisations pacifiques, terroriser et humilier celles et ceux qui osent défier le pouvoir – y compris à travers des plans d’infiltration, d’enlèvements et même de violences sexuelles.
Mais la lutte du Kenya n’est pas isolée. Partout sur le continent africain et dans l’ensemble du Sud global, des gouvernements, sous la pression des institutions financières internationales et au service des intérêts des élites, imposent un modèle de « développement » qui aggrave les inégalités et sacrifie le bien-être des populations sur l’autel du remboursement de la dette et de la « croissance » économique. Ce modèle ne fait pas qu’ancrer l’injustice sociale et économique : il détruit aussi l’environnement, en contaminant les terres, les cours d’eau et l’air, en privilégiant les industries extractives et l’exploitation des ressources au détriment des alternatives écologiques portées par les communautés.
Nous exprimons notre solidarité indéfectible avec le peuple kenyan. Nous sommes aux côtés de la jeunesse qui continue de se lever dans la contestation, des familles en deuil de leurs proches, des survivant·es de la violence et de la répression, et de toutes celles et ceux qui osent rêver à un avenir meilleur. Leur courage est non seulement un rejet de la répression et de l’austérité, mais aussi un appel lancé au continent et au reste du monde.
Nous exigeons:
- Des enquêtes indépendantes, transparentes et publiques sur les assassinats, blessures, enlèvements et violences sexuelles commis lors des manifestations;
- Une pleine responsabilité de tous les agents de l’État et des forces de sécurité impliqués dans ces crimes, y compris ceux occupant des postes de commandement;
- La fin immédiate de la criminalisation des manifestations et de la répression de l’espace civique au Kenya, ainsi que dans le reste du continent et du Sud global;
- L’abrogation des mesures économiques injustes qui punissent la classe ouvrière et les pauvres tout en servant les intérêts des élites et des créanciers ; et
- Un modèle de développement centré sur les populations, qui protège les services publics, respecte l’environnement et restaure la dignité ainsi que la souveraineté des communautés.
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Porte-parole des Amis de la Terre Afrique (ATA): Ruth Nyambura Ruth@foei.org +254 72 379 5065